
Selon un récent arrêt de la Cour de cassation, le président directeur général n’a pas droit, s’il est mis fin à son mandat, aux indemnités de licenciement, même s’il reçoit régulièrement sa fiche de paie et que son nom figure sur la liste des salariés de la société déclarés régulièrement à la CNSS.
Pour comprendre les motivations de cette décision, il est important de connaître le statut des mandataires sociaux dans une société anonyme qui sont le directeur général, l’administrateur directeur général et le président directeur général. Les mandataires sociaux sont des personnes désignées par les statuts, l’assemblée des associés ou des actionnaires, par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance pour diriger, représenter ou contrôler la société. Ainsi, sont mandataires sociaux: les gérants (majoritaires ou non) de sociétés de personnes, sociétés en commandite ou SARL, les administrateurs de sociétés anonymes, le président du conseil d’administration dans la société anonyme classique, le directeur général, les membres du conseil de surveillance, les membres du directoire dans les sociétés de type dualiste, les représentants permanents de personnes morales dans les conseils et les administrateurs de sicav. Tous ces mandataires figurent obligatoirement au registre du commerce. Il y a donc une façon pratique de s’assurer que tel ou tel dirigeant d’une société est bien mandataire social: lever un extrait du registre de commerce
Quel statut pour le mandataire social ?
Il y a lieu de souligner que les mandataires sociaux sont, non pas recrutés par contrat de travail, mais désignés par des statuts de la société ou élus par l’organe délibérant de celle-ci, ils sont révocables sans exigence de motif précis, sans préavis ni indemnité, sauf convention contraire faite par écrit, et qui n’est pas soumise au droit du travail. Il n’existe de limites à leurs pouvoirs que ceux découlant de l’intérêt de la société qu’ils représentent, leurs pouvoirs sont de caractère général, ils peuvent les déléguer, leur situation a tendance à se calquer sur celle des cadres salariés dirigeants, même s’ils ne sont pas régis par le droit du travail. Ils perçoivent une rémunération qui n’est pas un salaire et bénéficient d’une protection sociale (CNSS, CIMR..), souvent une indemnité de départ leur est octroyée à la fin de leur mandat.
Quid du président directeur général ?
Le président directeur général, comme l’administrateur directeur général, assume, sous sa responsabilité, la direction générale de la société, il ne bénéfice d’aucun des droits prévus par la législation du travail, celle-ci ne lui étant pas applicable, sa rémunération n’a aucun caractère salarial, la durée de son travail n’est pas limitée, n’a droit à aucun repos ni congé annuel, s’il est mis fin à son mandat, il n’a pas droit au préavis, ni à l’indemnité de licenciement même s’il reçoit régulièrement sa fiche de paie et que son nom figure sur la liste des salariés de la société déclarés régulièrement à la CNSS.
Le président directeur général peut être salarié
Le cumul de son mandat social et d’un contrat de travail est, toutefois, possible dans la mesure où il était, avant de recevoir son mandat d’administrateur, salarié de la société et que son contrat correspondait à une prestation réelle de travail et qu’il n’a pas pour but exclusif de limiter la liberté de révocation du mandat social. Cette subordination doit se manifester à l’égard de tous les mandataires sociaux, même ceux qui sont à la tête de la société, comme le président du conseil d’administration, celui-ci peut, à côté de ses fonctions de directeur général, assurer en qualité de salarié, des fonctions techniques distinctes, en restant placé sous la subordination de la société. Les fonctions salariées doivent être distinctes, faisant l’objet d’une rémunération propre, en vertu de l’article 55 de la loi sur les sociétés anonymes, et exercée sous la subordination de la société.
La Cour de cassation considère, par ailleurs, que le directeur général ne peut cumuler un mandat de direction générale et un contrat de travail, qu’à la double condition qu’il soit lié à la société, bien avant de recevoir le mandat de direction générale, par un contrat de travail pour exercer sous un lien de subordination des fonctions salariées réelles se distinguant véritablement de celles de mandataire social, et que chacune des deux fonctions fasse l’objet d’une rémunération propre. Malheureusement la Cour de cassation est tombée dans l’erreur de confondre le poste d’administrateur directeur général qui, lui, est soumis, en vertu de l’article 43 de la loi sur les sociétés anonymes, à la double condition, alors que le directeur général qui est à l’extérieur de la société n’est soumis qu’à la deuxième partie de la double condition.
Signalons un cas exceptionnel qui ne pose aucun problème au niveau de cumul de mandats. Une société mère peut, pour diriger une de ses filiales, donner mandat à un de ses salariés afin d’assumer les fonctions de la direction générale, sous la subordination de la société mère. Cette forme de cumul est admise, et il n’est pas nécessaire de rechercher si l’intéressé exerçait une activité salariée distincte de son mandat social, dès lors que le directeur général est placé sous la subordination de la société mère.
La Vie éco du 04 octobre 2013

M'HAMED EL FEKKAK
Avocat