
Certaines catégories de salariés bénéficient de dispositions particulières en raison de la nature de leur activité professionnelle, il s’agit des travailleurs dont l’activité ne peut s’inscrire dans le cadre de la réglementation normale du droit de travail, ils bénéficient, de ce fait, de régimes spéciaux qui concernent, entre autres catégories de salariés, les représentants de commerce (VRP) dont l’activité est réglementée par les articles 79 à 85 du code de travail.
LES INTERMEDIAIRES DE COMMERCE
Les intermédiaires de commerce se rangent en deux grandes catégories : les salariés et les travailleurs indépendants. La catégorie des salariés compte elle-même, deux grandes familles : les VRP (voyageurs, représentants et placiers) et les commerciaux de l’entreprise non-VRP, dont l’intitulé de fonction varie, agent technico-commercial, ingénieur commercial.
Le premier choix va se situer d’abord entre VRP (salarié) et agent commercial (indépendant), il s’agit là de deux professions qui doivent d’autant plus être distinguées qu’elles présentent des analogies trompeuses. L’agent commercial est un mandataire, il est son propre chef d’entreprise et ne bénéficie pas des protections attachées à la qualité de salarié, il assume seul les risques de son activité et le coût de sa production sociale. Son statut de travailleur indépendant lui confère une liberté d’organisation et d’action dont ne jouit pas le VRP.
La différence réside dans l’existence au profit du VRP d’un statut légal spécifique. Pour l’obtenir, le représentant doit travailler pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises, exercer de façon exclusive, constante et principale la profession de représentant, être lié à son employeur par des engagements déterminant la nature des prestations de service ou des marchandises, la région dans laquelle il doit travailler ou les catégories de clients qu’il est chargé de visiter (secteur) ainsi que le taux des rémunérations. En d’autres termes, tout représentant de commerce exerçant son activité dans ces conditions est un VRP, quel que soit son titre (ingénieur commercial, attaché commercial…) et même si son contrat de travail exclut expressément l’application du statut de VRP.
Le VRP monocarte ou exclusif est un salarié qui ne travaille que pour un employeur, sa rémunération se constitue d’un fixe et/ou commissions. Le VRP multicarte est un salarié à employeurs multiples, sa rémunération est constituée uniquement de commissions.
STATUT DES VRP
- L’activité des VRP est réglementée par un statut réservé aux seuls représentants salariés qui remplissent les conditions requises par les articles 79 à 85 du code du travail. Le statut est accordé à tout représentant lié à son ou à ses employeurs par un contrat de travail, lorsque le représentant : 1) travaille pour le compte d’un ou plusieurs employeurs, 2) exerce en fait d’une façon exclusive et constante sa profession de représentant, 3) ne fait effectivement aucune opération commerciale pour son compte personnel, 4) est lié à son employeur par des engagements déterminant la nature des prestations de service ou des marchandises offertes à la vente ou à l’achat, la région dans laquelle il doit exercer son activité ou les catégories de clients qu’il est chargé de visiter ainsi que le taux des rémunérations.
- Ne sont donc pas considérés comme VRP les salariés chargés, occasionnellement avec leur travail à l’intérieur d’une entreprise, de démarches auprès de la clientèle, rémunérés exclusivement ou principalement par des appointements fixes, ayant des frais de déplacement à la charge de l’entreprise et dont l’activité est dirigée et contrôlée journellement par l’employeur.
- Contrat écrit : En vertu des dispositions de l’article 80 du code de travail, tous contrats conclus avec un VRP doivent être obligatoirement écrits. Ils sont, au choix des parties, soit d’une durée fixe, soit d’une durée indéterminée. Ils doivent, dans ce dernier cas, stipuler un préavis dont la durée sera au moins égale à celle qui aura été fixée par des conventions collectives de travail, par le règlement intérieur ou à défaut par les usages, sans être inférieur dans tous les cas à la durée fixée dans l’article 43 du code. Toute clause contraire est considérée comme nulle. Les contrats peuvent, en vertu de l’article 80 du code de travail, stipuler une période d’essai dont la durée ne peut être supérieure à 6 mois, ils peuvent, pour leur durée, contenir l’interdiction pour le VRP de représenter des maisons ou des produits déterminés, et lorsque les contrats ne contiennent pas cette interdiction, ils doivent, à moins que les parties n’y renoncent par une stipulation expresse, contenir, s’il y’a lieu, la déclaration des maisons ou produits que le VRP représente déjà et l’engagement de ne pas prendre, en cours de contrat, de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l’employeur.
- Garanties minimales : Dans la mesure où ils ne sont pas soumis à des horaires, le smig, valeur horaire, ne saurait s’appliquer aux VRP. Toutefois, les VRP exclusifs (ou encore à carte unique) à temps plein, bénéficient d’un minimum garanti. Ce montant doit être versé les trimestres où le VRP n’a pas acquis suffisamment de commissions pour atteindre ce montant, mais il est récupérable sur les commissions des trimestres suivants si elles sont alors supérieures au minimum garanti. Les VRP multicartes, les VRP exclusifs à temps partiel et les représentants non statutaires, sauf stipulations contractuelles, ne bénéficient d’aucun minimum garanti.
- Commission : C’est le système favori des employeurs qui veulent avant tout rémunérer le quantitatif. L’éventail des modalités va du plus simple (x% de chaque produit vendu) au système de commissionnement progressif par tranche de chiffre d’affaires ou encore, différencié par type de produit en fonction des marges qu’il dégage.
- Généralement, les taux de commission sont fixés par référence à ceux pratiqués dans la profession, ou bien, si l’on choisit le système par tranche de chiffre d’affaires, en faisant des stimulations afin de parvenir à une rémunération à la fois motivante pour le salarié et supportable pour l’entreprise. Les commissions se versent au moins trimestriellement, toutefois les VRP ont le droit de demander des acomptes mensuels. Il est à préciser que le fait d’être rémunéré exclusivement en commissions ne prive pas le VRP du statut de salarié, la commission ne s’oppose pas à « salaire », elle s’oppose à « fixe ».
- Droit à l’indirect : En clair, le représentant a-t-il droit à une commission sur les commandes qu’un client de son secteur adresse directement à l’entreprise sans passer par lui? Ce n’est pas obligatoire, sauf si le VRP peut apporter la preuve d’un usage constant en ce sens dans l’entreprise, les commissions indirectes sont souvent source de situation de rente et ne sont à recommander que si le taux de commission directe est extrêmement faible. Le droit à l’indirect peut être écarté en règle générale, mais accordé en cas de longue maladie ou de maternité. On peut également décider d’octroyer des commissions indirectes mais à un taux plus faible que celui appliqué aux commandes rapportées par le représentant.
- Commission de retour sur échantillonnage : Les commissions sur les ordres transmis par des clients après le départ du VRP, mais qui sont le résultat de son activité de prospection, doivent lui être versées. Toute la difficulté réside dans la détermination des affaires donnant lieu à ces commissions, lorsque le VRP a été remplacé sur son secteur. Généralement, l’usage dans la représentation commerciale fixe la durée du droit aux commissions de retour sur échantillonnage à la durée normale consacrée par les usages de chaque profession. Cette commission fait partie de la clientèle apportée par le VRP selon une jurisprudence constante.
- Fixe : Il est une rémunération allouée par l’employeur, d’un montant uniforme et indépendamment des résultats. Il ne faut pas le confondre avec le minimum garanti. Quand l’employeur et le VRP s’entendent sur un fixe, celui-ci est dû chaque mois, et si des commissions sont prévues au contrat, elles s’y ajoutent. Ce mode de rémunération est adapté aux entreprises qui privilégient les objectifs qualitatifs par rapport aux objectifs quantitatifs. Néanmoins, il faut bien admettre que, s’il n’est pas combiné avec une partie variable, le fixe est peu adapté à la fonction commerciale, même s’il a le mérite de la simplicité et s’il permet de maîtriser parfaitement les coûts salariaux.
- Primes sur objectif : Leur montant est fixé à l’avance, mais elles ne sont acquises qu’à partir du moment où le représentant a atteint ou dépassé un objectif préalablement défini. En général, elles s’ajoutent à une rémunération fixe. Très souvent, on prévoit des primes progressives selon que l’objectif est atteint, dépassé de 25%, de 50%, doublé etc…, il importe de rester raisonnable, trop d’incitation au dépassement semblerait démontrer que les objectifs sont sous-évalués.
- Primes de bilan : Ce terme désigne le plus souvent une prime qui récompense des performances collectives. On regarde les résultats commerciaux de l’établissement (ou de tel ou tel secteur de vente), on établit une enveloppe globale et on la distribue soit uniformément soit, selon une clé de répartition. Cette prime n’étant pas le résultat d’un accord d’intéressement en bonne et due forme, elle fait partie intégrante du salaire et supporte en conséquence les charges sociales.
- Intéressement collectif : Les commerciaux ne sauraient être écartés d’un accord d’intéressement signé dans une entreprise. Toutefois, l’intéressement qui en résulte ne rentre pas dans le salaire. Il ne peut se substituer à un élément de rémunération existant, sauf si cet élément a été supprimé. L’intéressement collectif n’est que peu stimulant pour un VRP, car il ne récompense pas la prestation individuelle.
- Avantages non financiers : L’émulation est une composante non négligeable de l’efficacité d’une force de vente. Les commerciaux sont amateurs d’avantages non seulement financiers, mais également de prestige. Au premier rang desquels, la voiture de fonction, autres formes de motivation appréciées: les voyages et les inscriptions aux clubs.
- Conditions de paiement des commissions : Lorsque le contrat prévoit la clause de « commande acceptée », le paiement de la commission sera subordonné à une confirmation de la part de l’entreprise à chaque commande. La clause de « vente menée à bonne fin » veut dire que le versement de la commission sera subordonné à la livraison de la marchandise chez le client. La clause « pourcentage après encaissement » veut dire que le versement de la commission ne sera effectué qu’après encaissement du prix de la marchandise, ce qui permet de minimiser les conséquences des impayés.
- Le contrat peut prévoir que le montant de la commission sera calculé non pas sur les facturations enregistrées mais sur la quantité des produits vendus. Il peut également différencier le taux de commission selon que la commande d’un client de son secteur a transité ou non par le VRP.
- Le contrat peut limiter le droit à l’indirect (commissions sur les commandes adressées directement à l’entreprise sans passer par le VRP) aux commandes transmises dans un délai donné depuis la dernière visite du VRP au client.
- Le contrat peut prévoir, lorsque deux VRP sont intervenus sur le même secteur, le partage de la commission entre les deux VRP ou bien ne la réserver qu’à celui qui est à l’origine de la commande.
Enfin, le contrat peut prévoir que le taux de la commission sera calculé sur le prix de vente hors taxes et hors frais. - Modification dans la situation juridique de l’employeur : S’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds…, tous les contrats en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et VRP, attachés à la maison (article 19 du code).
La cessation de l’entreprise, sauf le cas de force majeure, ne libère pas l’entrepreneur de l’obligation de respecter le préavis.
INDEMNITES VERSEES A LA CESSATION D’ACTIVITE
- Régime spécial : Les conséquences de la rupture du contrat de travail d’un VRP sont réglementées comme suit :
- S’agissant d’un contrat à durée indéterminée, il est dû au VRP, en cas d’inobservation du délai de préavis à titre de salaire le montant évalué en argent de tous les avantages directs et indirects qu’il aurait pu recueillir pendant le délai de préavis, et, en cas de rupture abusive, il lui est dû les dommages-intérêts prévus à l’article 41, et l’indemnité de licenciement prévue à l’article 52 du code.
- S’agissant d’un contrat à durée déterminée résilié avant son terme, il est dû au VRP à titre de salaire le montant des avantages directs ou indirects qu’il aurait recueillis jusqu’à expiration du contrat et, en outre, le montant des avantages que le VRP percevrait par suite de la rupture du contrat.
- Il lui est également dû, en cas de rupture par l’employeur non motivée par la faute grave du VRP, le montant des salaires correspondant à la période allant de la date de rupture jusqu’au terme fixé par le contrat.
- Indemnité de clientèle : En cas de rupture du contrat à durée indéterminée ou de résiliation avant son échéance du contrat à durée déterminée non provoquée par la faute grave du VRP, ou lorsque la cessation du contrat intervient par suite d’accident ou maladie entraînant une incapacité totale permanente du VRP, ou encore, lorsqu’il y a non renouvellement du contrat à durée déterminée venu à expiration, il est dû au VRP une indemnité dite de clientèle calculée d’après la part qui lui revient personnellement eu égard à l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée par lui, compte tenu des rémunérations spéciales qui lui ont été accordées au cours du contrat pour le même objet ainsi que des diminutions qui pourraient être constatées dans la clientèle préexistante et imputables au VRP.
- Cette indemnité ne se confond ni avec celle qui pourrait être due pour rupture abusive du contrat à durée indéterminée, ni avec celle qui pourrait être due en cas de résiliation anticipée du contrat à durée déterminée. Par ailleurs, elle ne peut être déterminée à l’avance.
- Selon l’article 85, « l’indemnité de clientèle est calculée eu égard à l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée », sans autre précision, notamment en ce qui concerne le droit à l’indirect ou la commission de retour sur échantillonnage, lesquels font partie, selon l’esprit du texte, des éléments entrant dans le calcul de l’indemnité de clientèle.
- L’indemnité de clientèle à un caractère d’ordre public, le VRP ne peut donc y renoncer par avance et elle n’est subordonnée à aucune condition d’ancienneté. Elle a pour but de réparer le préjudice subi du fait de la perte pour l’avenir du bénéfice de cette clientèle.
- Pour l’ouverture du droit à l’indemnité de clientèle, trois éléments doivent être réunis :
- Une clientèle développée, apportée ou créée : La clientèle développée est celle qui existait lors de l’entrée en fonction du VRP et dont il a fait progresser le chiffre d’affaires. Le développement s’apprécie en combinant l’accroissement en nombre et en valeur.
- Une clientèle durable : Ce n’est pas le cas, par exemple, si la nature des produits vendus est telle qu’un client n’effectue jamais plusieurs achats ou alors à une fréquence très faible (vitrines de magasins).
- Un préjudice subi : On considère qu’il n’y a pas de préjudice pour le VRP rémunéré uniquement au fixe, puisqu’il ne tire aucun bénéfice direct de la clientèle qu’il visite. Il en est de même lorsque le VRP peut, après la rupture du contrat, continuer à visiter la même clientèle pour des produits similaires.
Si ces éléments sont réunis, reste à calculer le montant de l’indemnité, celui-ci doit être fixé au moment du départ et d’un commun accord entre les parties conformément à l’article 85 du code
- Assurance contre les accidents de travail : Contrairement au dahir abrogé du 21 Mai 1943 qui avait réglementé la profession des VRP, le code a complètement ignoré la question des accidents du travail et maladies professionnelles dont peut être victime le VRP. Mais, en règle générale, celui-ci, quel que soit le nombre des établissements pour le compte desquels il agit, doit conclure auprès d’un seul organisme d’assurance de son choix, une police garantissant à lui-même, ou à ses ayants droit, le paiement des rentes et indemnités prévues par la législation sur les accidents du travail, le choix du VRP doit porter sur un organisme d’assurance admis à pratiquer l’assurance contre les accidents du travail. L’assureur doit informer chaque établissement employeur de la souscription de la police et lui demander, chaque fois qu’il y a lieu, de fournir tous renseignements nécessaires tant à l’établissement de la police qu’au calcul du montant des primes. Le VRP doit également tenir chaque établissement employeur au courant des causes de suspension de la police qui peuvent intervenir. Les primes afférentes à ladite police sont remboursées au VRP si celui-ci en fait l’avance, ou acquittées directement par chaque employeur proportionnellement au montant des rémunérations payées par chacun d’eux au VRP, par rapport au total des rémunérations perçues par celui-ci, telles que ces rémunérations sont déclarées à l’occasion du calcul du montant de chaque prime.
Toute la procédure relative à la réparation d’un accident du travail peut valablement opposer la victime à l’assureur hors de la présence du ou des employeurs, lorsque celle-ci n’est pas estimée indispensable par le juge. Le ou les employeurs sont alors réputés représentés par l’assureur.
Le salaire servant de base à la fixation des rentes et indemnités dues s’entend à l’ensemble des rémunérations reçues par le VRP, des différents établissements qu’il représente pendant la période de douze mois qui a précédé l’accident.
La Vie éco du 14 Mars 2014

M'HAMED EL FEKKAK
Avocat