
Certains chefs d’entreprises utilisent des intérimaires dans le but d’échapper aux contraintes imposées par le code du travail, autrement dit, ils utilisent des salariés sans en être l’employeur, une situation bien pratique, sauf qu’elle est, de la manière dont l’intérim est pratiqué au Maroc, requalifiable en contrat de travail à durée indéterminée liant ces chefs d’entreprises à leurs intérimaires depuis le premier jour d’arrivée de ces derniers à l’entreprise. Pour que l’utilisateur n’en arrive pas là, il est important qu’il connaisse le fonctionnement et les contraintes de l’intérim.
Trois acteurs interviennent dans une opération d’intérim, un fournisseur de salariés appelé entreprise d’emploi temporaire, un utilisateur appelé entreprise utilisatrice et un salarié appelé intérimaire. Pour qu’une opération d’intérim soit régulière, il est obligatoire que son objet soit autorisé par la loi, qu’un contrat écrit, appelé contrat de travail temporaire comprenant les indications exigées par la loi soit conclu entre l’entreprise d’emploi temporaire et l’intérimaire, et qu’un contrat écrit, appelé contrat de mise à disposition comprenant les indications exigées par la loi soit conclu entre l’utilisateur et l’entreprise d’emploi temporaire pour l’utilisation de chaque intérimaire.
Les situations permettant d’avoir recours à l’intérim sont définies par le code du travail de manière extensive : 1- en cas de remplacement d’un salarié pendant son absence ou de suspension de son contrat de travail, 2- en cas d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, 3- en cas d’exécution de travaux à caractère saisonnier, ou de travaux pour lesquels il est de coutume de ne pas conclure de CDI (Contrat de travail à durée indéterminée) en raison de la nature du travail.
Le contrat de travail temporaire, obligatoirement fait par écrit et qui lie une entreprise d’emploi temporaire à un intérimaire qu’elle met à la disposition d’un utilisateur, doit comporter : les qualifications de l’intérimaire, le montant de son salaire et les modalités de paiement, la période d’essai, les caractéristiques du poste à occuper et le n° d’adhésion de l’entreprise d’intérim à la CNSS.
Le contrat de mise à disposition, obligatoirement fait par écrit, doit mentionner : la raison justifiant le recours à l’intérimaire, la durée de la tâche, le lieu de son exécution et le montant fixé comme contrepartie de la mise de l’intérimaire à la disposition de l’utilisateur. La tâche ne doit pas dépasser selon les cas définis par le code : la durée de la suspension du salarié remplacé, trois mois (renouvelables 1 fois) dans le cas d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, et six mois en ce qui concerne des travaux soit à caractère saisonnier soit pour lesquels il n’est pas coutume de conclure des CDI. La tâche confiée à l’intérimaire doit comporter un terme avec précision. Lorsque le contrat ne prévoit pas de temps précis, ce qui est le cas lorsqu’il s’agit de remplacer temporairement un salarié ou d’exécuter des travaux à caractère saisonnier, le contrat peut être conclu pour une durée minimale et a pour terme la fin de l’absence du salarié remplacé ou la résiliation de l’objet pour lequel il a été conclu. L’utilisateur doit tenir une copie du contrat de mise à disposition concernant chaque intérimaire.
La gestion du contrat de mise à disposition est de la responsabilité de l’utilisateur, car, c’est lui qui communique les motifs et les justifications de recours à l’intérim et qui possède une copie du contrat de mise à disposition, il risque à ce titre de voir ses relations avec l’intérimaire requalifiées en un contrat de travail à durée indéterminée : 1- en cas d’absence de contrat de mise à disposition ou du fait de l’omission des mentions obligatoires nécessaires à la qualification de contrat d’intérim, 2- en cas d’absence de terme précis au sujet de la tâche confiée à l’intérimaire pour l’exécution de laquelle le contrat de travail temporaire a été conclu, 3- en cas de dépassement ou de renouvellements multiples s’agissant de la tâche dont la durée est fixée à trois mois et qui ne peut être renouvelé qu’une seule fois, 4- au cas où l’utilisateur continue à faire travailler un intérimaire au-delà du terme du contrat sans avoir conclu avec lui un contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition.
La responsabilité de l’entreprise d’emploi temporaire n’est, non plus, pas épargnée, mais dans un autre domaine. En effet, son attention est attirée sur la confusion que l’utilisateur pourrait faire entre l’intérim et l’externalisation, il s’agit, en fait, de deux opérations différentes. Pour mieux comprendre la différence, nous citons le cas suivant :
Dans la nuit du 3 novembre 2003, une semi-remorque contenant des rouleaux de tissus d’une valeur de l’ordre de 3,5 millions de dirhams, a été volée alors qu’elle était en stationnement, chez son propriétaire, une société industrielle située à Ain sebâa à Casablanca dont les installations étaient gardiennées par deux intérimaires appartenant à une entreprise multinationale d’emploi temporaire.
L’enquête pénale diligentée ayant établi que les deux gardiens avaient participé au vol, les premiers juges ont estimé que de tels faits engageaient la responsabilité de l’entreprise d’emploi temporaire du fait de ses préposés, ces derniers ayant agi à l’occasion des fonctions que la société utilisatrice leur a confiées, l’entreprise d’emploi temporaire a, ainsi, été condamnée au paiement au profit de la société utilisatrice de la somme réclamée. La Cour d’appel en adoptant les motifs des premiers juges a confirmé la décision de ces derniers, mais la Cour suprême, statuant sur le pourvoi formulé, a déclaré que le contrat d’intérim a pour objet la mise à disposition de gardiens et non la sous-traitance du gardiennage et que, par conséquent, la conclusion d’un contrat d’intérim ne constitue pas un transfert de responsabilité. Ainsi, la Cour suprême a, par cette importante décision du 2 avril 2008, montré aux juges du fond le chemin à suivre dans un pareil cas.
La Vie éco du 27 avril 2012

M'HAMED EL FEKKAK
Avocat