
Maintenant que le nouveau gouvernement, conduit par les islamistes, est formé et que la confiance du parlement étant une simple formalité, que va-t-il faire ? Par quoi il doit commencer ? Tous les dossiers qui l’attendent sont importants et urgents, notamment ceux à vocation sociale, mais celui du chômage est prioritaire.
Le chômage est un phénomène qui frappe, actuellement, tous les pays du monde à des degrés différents, mais les raisons ne sont pas partout les mêmes. En Europe, par exemple, elles sont souvent d’ordre économique et conjoncturel, chez nous, elles sont d’abord d’ordre social et structurel, puis d’ordre économique. Pour réduire le chômage au Maroc, il faut créer des emplois, or, il est difficile de convaincre les entreprises de recruter des jeunes ayant reçu un enseignement de base nul, ou une formation professionnelle sans une réelle formation, il est aussi difficile de les convaincre de recruter dans un monde où la Justice est conçue pour que ses hauts responsables passent leur temps à gérer les interventions et distribuer les instructions, ou dans un monde où l’Administration est corrompue jusqu’à l’os et à tous les niveaux, et où le cadre juridique, notamment, le code du travail, constitue un véritable handicap n’étant pas adapté ni adaptable à la réalité de la situation de l’entreprise marocaine et, pour tout arranger, il comporte des vides juridiques qui paralysent le fonctionnement normal de plusieurs secteurs d’activité. Bref, tous les ingrédients nécessaires sont réunis pour décourager les employeurs et faire fuir les investisseurs, d’ailleurs, la valeur des investissements directs étrangers (IDE) a baissé en 2011 de 50%.
Le Maroc a besoin d’une réforme sociale profonde pour s’en sortir, les islamistes peuvent le faire, parce qu’ils ont le crédit de confiance populaire nécessaire et la volonté du changement, car, ils savent très bien que c’est le chômage de ce diplômé universitaire, que l’injustice sociale a réduit en un vendeur de légumes, qui a déclenché le Printemps arabe, et c’est ce Printemps arabe qui a porté nos islamistes, comme ceux de Tunisie et d’Egypte, à la tête du gouvernement, sinon, tout était prévu pour un parlement ”démocratiquement” élu et dominé par le PAM et le RNI, et un gouvernement présidé par un premier ministre nommé Mezouar. Fort heureusement, le Printemps arabe en a décidé autrement. Avant d’entamer toute réforme, le nouveau gouvernement devrait d’abord procéder à un diagnostic de la situation sociale, il devrait, surtout, se poser plusieurs questions. Pourquoi l’Enseignement public s’est transformé en une énorme usine de fabrication de chômeurs ? Pourquoi l’Enseignement professionnel et technique n’a aucun impact positif sur le nombre de chômeurs qui ne cesse d’augmenter chaque année ? Pourquoi des entreprises procèdent chaque année à des milliers de licenciements ? Le défunt HCP (Haut Commissariat au Plan) ne peut pas contredire, à ce sujet, les registres des tribunaux sociaux. Pourquoi, les entreprises refusent d’embaucher malgré les encouragements et les exonérations consentis par des textes de loi ? Pourquoi 8.5 millions salariés ne sont pas déclarés par leurs employeurs à la CNSS ? Pourquoi 3 millions de travailleurs employés par des artisans et 1.2 million de travailleurs employés dans le secteur de l’artisanat traditionnel sont exclus de la protection du code du travail ? Pourquoi le fonctionnement normal de plusieurs secteurs d’activité est paralysé par les décrets d’application qui devaient être publiés en 2003, c’est-à-dire, en même temps que le code lui-même ?
Pour tracer la feuille de route d’une réforme sociale, le gouvernement devra trouver la juste réponse à ces questions et agir en conséquence.
MarocHebdo du 27 Janvier 2012

M'HAMED EL FEKKAK
Avocat